StrayBirds - Peinture Chinoise, Sumi-e

StrayBirds  -  Peinture Chinoise, Sumi-e

Citations


Les Maîtres nous invitent à la méditation

 


 

 Au milieu de l'océan de l'encre, il faut établir fermement l'esprit.

A la pointe du pinceau, que s'affirme et surgisse la vie.

Sur la surface de la peinture s'opère une complète métamorphose.

 

Shitao 1641-1720 (Les propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère)

 


 

 De l'inspiration 

 

Avant de prendre le pinceau, il faut que la pression de l'inspiration soit haute.

Avant de peindre, toute la question est de cultiver l'inspiration, soit en contemplant les nuages et les sources, soit en observant les fleurs et les oiseaux, soit en se promenant et en récitant des poèmes, soit en brûlant de l'encens et en buvant du thé. Dès que l'esprit a trouvé, que la main démange et que l'inspiration jaillit, il faut déployer papier et pinceau. Quand l'inspiration est épuisée, il faut s'arrêter de peindre et ne reprendre que quand elle revient.

                                                                                                                Wang Yu (fin XVII°, début XVIII°) 

 


Interruptions 

 

Les choses doivent être à la fois présentes et absentes ; on n'en voit que le haut ou le bas.

Tout l'art de l'exécution est dans ces notations fragmentaires et ces interruptions.

Le coup de pinceau s'interrompt pour mieux se charger de sous-entendus.

Partout le vide doit s'entremêler avec le plein.

 

                                                                                                               Wang Wei (699-759) - Li Rihua (1565-1635)

 


 Libre et détaché 

 

En peinture, rien n'est plus merveilleux que cette nonchalance détachée qui, dans une composition éparse, répand par degrés le jeu des taches et du lavis, créant un effet d'élégance et de grâce, et communiquant ainsi un délicieux sentiment d'allégresse. 

 

                                                         Zhang Feng, peintre solitaire (actif vers 1636-1674, époque Qing) 

 


 

 Le surgissement de la vie habite le geste des grands maîtres

 

 

J'ai observé (chez les maîtres) le jeu des terminaisons en pointe et en goutte, les effets du tonnerre qui roule, de la pierre qui chute dans l'abîme, les mouvements de l'oie sauvage qui vole à tire-d'aile et celui de la bête effarée qui se cabre, l'allure du phénix qui danse dans les airs et celle du serpent qui se dresse en sifflant, les figures de la falaise abrupte et de pics dénudés. […] Tout cela va bien au-delà de ce que l'effort peut produire, et s'égale au grand surgissement merveilleux.

  

                                                                 Sun Guoting (environ 648-703, Tang) - Traité de Calligraphie

 


 

En union avec la calligraphie

 

Bien que la peinture et la calligraphie se présentent concrètement comme deux disciplines différentes, leur accomplissement n'en est pas moins de même essence.

Le Ciel donne à l'homme dans la mesure où l'homme est capable de recevoir. Le don est grand pour qui a grande sagesse ; le don est médiocre pour qui a médiocre sagesse. Ainsi, depuis toujours, l'origine de la calligraphie et de la peinture est céleste, et son achèvement est humain. 

 

                                                                   

 

Procédés

 

La rupture : créer un univers qui soit pur de toute souillure de la banalité vulgaire ; montagnes, rivières, arbres ne sont livrés que partiellement, amputés de l'une ou l'autre extrémité ; partout, aucun coup de pinceau qui ne soit abruptement interrompu...

 

Le vertige : il s'agit d'exprimer un univers inaccessible à l'homme, sans nulle route qui y mène, telles ces îles montagneuses du Bohai, Penglai et Fanghu où seuls les Immortels peuvent résider, mais que le commun des hommes ne peut imaginer ; cela, c'est le vertige tel qu'il existe dans l'univers naturel ; pour l'exprimer en peinture, il n'y a qu'à montrer des cimes escarpées, des précipices, des passerelles suspendues, des gouffres extraordinaires. Pour que l'effet soit vraiment merveilleux, il faut faire voir toute la force du coup de pinceau.

 

                                                                    Shitao (1641-1720?) - Les Propos du Moine Citrouille Amère

 

 

 

 


 

A l'opposé de l'artisan qui se contente de reproduire des apparences formelles extérieures, le peintre proprement dit, c'est-à-dire le lettré, transcrit le contenu de son "coeur". La question de la création picturale n'est donc ni technique ni même esthétique : c'est une question éthique et philosophique. Peindre est difficile avant de peindre.

 

Au-dehors, je me mets à l'école du Créateur,

au-dedans je capte la source de mon coeur.

 

Zhang Zao (peintre du VIII° siècle)

 

Les objets ne sont pas saisis par la perception des sens :

ils sont enclos dans l'habitacle de l'âme ;

c'est pourquoi la main ne fait que répondre à ce que le peintre a saisi dans son coeur.

 

Fu Zai (poète, actif au milieu du VIII° siècle, il a écrit sur l'art de Zhang Zao)

 

 


 

 

 Quand je savoure un poème de Wang Wei, j'y trouve une peinture,

quand je contemple une peinture de Wang Wei, j'y trouve un poème.

 

Les poèmes de Du Fu sont des peintures invisibles,

et les peintures de Han Gan sont des poèmes muets.

 

Su Dongpo (1037-1101), dynastie Song

 

 

 


 

 

C'est le moine Hua Kuang qui, le premier, a peint les prunus à l'encre.

Dans le jardin de son monastère, il en avait planté quelques pieds. Chaque fois que venait le temps de la floraison, il transportait aussitôt son lit sous les arbres et chantait des poèmes tout le jour.

Nul ne pouvait sonder la profondeur de son plaisir.

Certaines nuits de lune, ... il regardait s'entrecroiser sur son volet les ombres légères des branches fleuries. Il cherchait alors avec son pinceau à en reproduire les formes. A l'aube, il pouvait contempler l'oeuvre achevée...

Elle contenait vraiment l'ineffable essence des fleurs.

 

Préface du traité de Hua Kuang sur les prunus (dynastie Sung) - extrait

 

 


 

Peindre les fleurs de prunus,

c'est faire le portrait d'un homme supérieur ou d'une belle femme.

Sachez utiliser des traits simples et dépouillés pour en souligner l'élévation d'âme,

des traits subtils et délicats pour en révéler la beauté éthérée.

 

Cha Li (dynastie Ts'ing)

 

 

 


 

Deux moments cruciaux dans l'exécution d'un tableau : le commencement et la fin.

Le commencement doit être à l'image d'un cavalier lancé au galop ; celui-ci éprouve la sensation de pouvoir à tout moment freiner le cheval sans l'arrêter tout à fait.

La fin, elle, doit ressembler à une mer qui reçoit tous les cours d'eau qui se déversent en elle ; celle-ci donne l'impression de pouvoir tout contenir,

tout en étant menacée de débordement.

 

Wang Yü (fin XVII°-début XVIII° ; dynastie Ts'ing)

 


L'art de l'encre, comme il est magique et quasi surnaturel !

C'est avec les six nuances de l'encre (sèche, mouillée, claire, foncée, blanche, noire)

que le peintre tente de recréer les vibrations

des innombrables phénomènes de la Création.

 

Pu Yen-tu (XVIII° siècle - dynastie Ts'ing)

 


 

Lorsqu'un pin croît, il suit une certaine courbe sans jamais paraître se déformer.

Son feuillage peut être abondant ou clairsemé, sa couleur peut hésiter entre vert et émeraude, son désir constant, dès l'époque où il n'était encore que jeune pousse,

est de s'élever toujours davantage.

En cet arbre s'incarne la vertu des sages.

 

Ching Hao (X° siècle - cinq dynasties)

 

 


 

 

 La montagne a les cours d'eau pour artères, les arbres et les herbes pour chevelure, les brumes et les nuages pour expression. Ainsi, la montagne doit à l'eau sa vie, aux arbres et aux herbes sa beauté, aux brumes et aux nuages son mystère.

L'eau, elle, a la montagne pour visage...

 

Kuo Hsi (1001-1090), un des plus grands peintres de paysage de la dynastie Sung

 


 

A propos de la peinture de dragon :

 

Pu Yen Tu (18ème siècle, dynastie Ts'ing) Réputé pour son enseignement sur l'histoire et la théorie de l'art.

  

"Toutes choses sous le ciel comportent leur double aspect visible-invisible. Le visible incarnant ce qui est manifesté au-dehors, relève du Yang ;

l'invisible, recelant ce qui est caché à l'intérieur, relève du Yin.

 

Prenons un dragon qui sort de son repaire aquatique et s'envole dans le ciel. S'il se montre à nu tout entier, de quel mystère peut-il s'envelopper ? Le spectateur qui lève la tête pour l'observer aura tôt fait de le détailler : voici la tête, voici la queue, voici encore la barbe et les griffes...

Une fois sa curiosité satisfaite, il s'en désintéresserait.

 

Aussi un vrai dragon se dissimule-t-il toujours derrière les nuages.

Charriant vents et pluies, il s'élance fulgurant ; virevolte, superbe.

Tantôt il fait briller un pan de ses écailles, tantôt il laisse pendre un bout de sa queue.

Le spectateur médusé, les yeux écarquillés, n'en pourra jamais faire le tour.

C'est bien par son visible-invisible que le dragon exerce

son infini pouvoir de fascination."

 

 

 


 

 

Oui, en peinture on n'insiste jamais assez sur l'importance du vide.

Il y a le grand Vide et les petits vides par quoi l'espace se contracte et se dilate à souhait. C'est en faisant allusion à cela que les Anciens disaient :

"L'espace peut être rempli au point que l'air semble ne plus y passer,

tout en contenant des vides tels que des chevaux peuvent y gambader à l'aise !"

 

 

Huang Pin Hung (1864-1955, dynastie Ts'ing)

 

                         Paysage peint en 1948


 

La peinture parfait l'action civilisatrice des Sages

et concourt à l'établissement de relations justes entre les hommes.

Car l'art pictural tire son origine, non point de l'ingéniosité humaine,

mais de l'ordre du Ciel même.

 

Chang Yen Yuan (dynastie Tang)

 

 


 

 

Chant des pins qui palpitent, chant de l'eau qui s'écoule, nuage blanc survolant la cime sans se disperser, haut pic rejoignant le ciel sans s'arrêter... Tout cela forme un univers autre - autre aussi le soleil et autre la lune.

J'y fais des randonnées sans limites ; je m'y perds sans regret.

 

Youn Shouping (dynastie Tsing)

 

Paysage de Youn Shouping (1633-1690)

 

 

 


 

 

En s'en prenant à la montagne, la peinture trouve son âme

En s'en prenant à l'eau, elle trouve son mouvement

En s'en prenant aux forêts, elle trouve la vie

En s'en prenant aux personnages, elle trouve l'aisance.

 

Shitao, le moine "Citrouille-Amère" (1641-1720?)

 

 


 

 

L'art du pinceau, comme il est subtil !

En traçant les traits, le peintre doit avoir souci d'introduire de la courbe au sein d'un trait droit, de la force au sein d'un trait léger, du vide au sein d'un trait plein, de la sécheresse au sein d'un trait mouillé

et de la substance charnelle au sein d'un trait sec.

 

Tung Ch'i (dynastie Tsing)

 

 

 


 

La peinture est sacrée. Elle scrute ce que le Ciel et la Terre ne montrent pas

et révèle ce que le soleil et la lune n'éclairent pas.

 

Chu Ching-hsüan (dynastie Tang)

 

 

 


 

  

 

Conversation entre un jeune peintre et le Maître Bada Shanren :

 

 

 

- Comment dois-je m'y prendre pour développer mon propre style ? s'enquit le jeune peintre. (...)

 

- Je suis comme je suis, je peins comme je peins. Je n'ai pas de méthode, je ne songe pas à être original, je ne suis que moi-même. (...)

 

- Mais ne devrais-je pas apprendre de mes précurseurs avant de m'élancer, ne serait-ce que pour atteindre leur niveau ? demande le disciple.

 

- En parlant de la sorte, tu oublies qu'à côté de tous ces modèles-là, tu en as un propre, toi-même. Tu existes comme tu es. Tu ne peux pas porter la barbe des anciens. Tu dois essayer d'être ta vie et non la mort d'un autre. De là découle que la meilleure méthode pour peindre est de ne pas avoir de méthode du tout. Même si le pinceau, l'encre, le dessin, tout est faux, ce qui caractérise ton Moi n'en reste pas moins conservé. Ce n'est pas au pinceau de te manier, c'est à toi de manier le pinceau.

 

 

 Richard Weihe, Mer d'encre (Éditions Jacqueline Chambon)

 

 

   


 

 

 

Entretien entre les peintres Chu Ta et Huan Anping :

 

  Chu Ta est devenu le Maître Bada Shanren (1626-1705) , appelé aussi Geshan, Xuege, Chuanqi...

 

  

Huan Anping dit :

 

- Quand tu plonges ton pinceau dans l'encre, tu le plonges dans ton âme. Et quand tu diriges le pinceau, c'est ton esprit qui le dirige. Sans profondeur et sans abondance, ton encre manque d'âme ; sans direction et sans vitalité, ton pinceau manque d'esprit. L'un reçoit de l'autre. Le trait reçoit de l'encre, l'encre reçoit du pinceau, le pinceau reçoit du poignet et le poignet reçoit de ton esprit conducteur. C'est cela, maîtriser la puissance de l'encre et du pinceau. 

 

Richard Weihe, Mer d'encre (Éditions Jacqueline Chambon)

 

  

 

 Lotus - attribué à Bada Shanren

 

 

 


 

 

Dans son ode au luth, le poète-musicien Yung-men disait : "On est prié de s'asseoir et d'ouïr ce que murmure mon luth."

Comme je voudrais, moi aussi, qu'un connaisseur sache entendre le chant jailli de mon tableau.

 

                                                                              Yun Shou-ping (1633-1690), dynastie Tsing

 

 



06/01/2012
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